Le Shiatsu Ă Rennes - MĂ©moire de fin d'Ă©tude
Retrouvez ci dessous une partie du mémoire de fin d'étude de Laurence Lemarchand qui officie dans la région de Rennes en Shiatsu, au sein de Un Temps Pour Soi.
thème: TOUCHER, ETRE TOUCHE : UN DEFI, MON QUOTIDIEN SHIATSU
INTRODUCTION
Etudiante, je me suis intéressée aux thérapies manuelles et j'ai commencé un cycle d'études en Ethiopathie. Je me suis alors heurtée à un problème : poser la main sur le corps d'un patient pour lui prodiguer un soin me demandait un gros effort et j'étais paralysée. Cette incapacité m'a alors conduite à un changement radical d'orientation professionnelle.
Deux décennies plus tard, maman de deux enfants et femme au foyer, j'avais découvert le plaisir de masser mes enfants. J'ai souhaité pouvoir faire plus et je me suis inscrite en formation Shiatsu avec Bruno Moisan. J'ai à nouveau été confrontée à cette difficulté de toucher l'autre, particulièrement sur les zones sensibles que sont le ventre ou la cage thoracique. L’apprentissage sur mes proches m'a permis de dépasser ces appréhensions et il a été tellement enrichissant que j'ai persévéré au delà de la formation en shiatsu familial.
Forte de cette problématique, j'ai décidé de faire du Toucher le thème de mon mémoire. Le mot "Toucher" vient du latin populaire toccare, faire toc. Au sens strict du terme, toucher veut dire établir un contact physique avec un être animé ou inanimé. C'est le sens corporel le plus généralisé, diffus sur toute la peau.
Quelle culture du toucher en fonction des peuples ? Quelle place aux médecines manuelles ? Comment le simple contact d'une main sur un corps peut apporter du bien-être et du soin ? Quelles interactions entre la main de l'un et le corps de l'autre ? Comment le Shiatsu me permet d'entrer en contact avec l'autre ?
QUELLES CULTURES DU TOUCHER ?
 1. Le toucher, premier moyen de survie et de communication
Le sens du toucher est très stimulé durant le premier âge du bébé. Dans nos sociétés occidentales, la profusion de jouets en diverses matières répond au besoin de contacts de l'enfant, pour lui permettre d’apprivoiser le monde extérieur, d’appréhender les contrastes chaud/froid, dur/mou, lisse/rugueux … d'abord par sa bouche puis par ses mains.
De façon plus vitale, les expériences de la méthode 'kangourou' ont démontré combien le fait d'être touché, d'être en contact quasi permanent avec la peau de sa mère permet au prématuré de survivre, de terminer son développement physique tout en lui donnant un sentiment de sécurité essentiel pour son équilibre affectif et psychologique.
J'ai pratiqué ce contact "peau à peau" avec mes enfants qui, sans être prématurés, étaient de petite taille à la naissance et j'en conserve le sentiment d'avoir permis une transition en douceur entre le milieu utérin ultra-protégé et le milieu extérieur dans lequel ils ont appris à vivre.
Les propos d'Aline Despeisse-Lainé dans Les gestes réflexes pour le bien-être de votre enfant sont d'ailleurs éloquents : «Pouvoir calmer, fortifier son enfant par des caresses me semble la meilleure "première pierre" d'une relation harmonieuse et la poursuite de ces rituels de massage pansera bien les petites blessures des mots maladroits, des inévitables malentendus qui viendront se glisser entre la mère (ou le père) et son enfant ...»
Ashley Montagu, dans La peau et le toucher, rejoint ces propos quand il affirme que «pour le nouveau-né et l'enfant, toutes les formes de stimulations cutanées qu'il reçoit sont de la plus grande importance pour le développement harmonieux de son corps et de son comportement. Pour l'espèce humaine, les stimulations tactiles ont probablement des effets essentiels quant au développement d'un mode satisfaisant de relations affectives et émotionnelles. »
Toujours dans le même ouvrage, A. Montagu évoque le rôle essentiel du "léchage" des petits mammifères. Un animal ne peut survivre à la naissance que si sa mère le lèche longuement, pour le nettoyer mais aussi pour mettre en route ses principales fonctions : sa respiration, son système uro-génital et son tube digestif. Le nouveau-né humain est un peu moins dépendant pour sa survie immédiate du contact cutané, mais il ne peut sûrement pas vivre sans lui. Les contractions régulières des derniers mois de grossesse et la naissance dans les étroites voies génitales maternelles font vivre à l'enfant une "intensité" de contacts, de caresses que de nombreux chercheurs ont rapproché de l'intensité du léchage dans les autres espèces mammifères.
2. Les différentes cultures du toucher
Concernant le comportement tactile, chaque culture a ses propres critères d'éducation et de sensibilisation de ses enfants. Cet apprentissage culturel va orienter dans une voie commune le développement de telle ou telle sensibilité dans l'ensemble du groupe (même si bien sûr certaines familles peuvent s'écarter des comportements normalisés). Il se trouve ainsi des sociétés où les contacts tactiles sont nombreux et d'autres dans lesquelles ils sont réduits au minimum. L'enfant apprend à se conduire conformément aux exigences sociales. A.Montagu développe longuement une théorie sur les traumatismes de la naissance au niveau de la peau. Le fait d'enlever le nouveau-né à sa mère en le plaçant dans un berceau traumatiserait le bébé, traumatisme réitéré durant la petite enfance dans les sociétés occidentales ou ayant adopté des pratiques occidentales.
Il décrit les expériences tactiles dans la société Esquimaux Netsilik « la mère et son enfant parlent par la peau », l'enfant est continuellement porté dans le dos de sa mère, nu et au contact direct de la peau maternelle, bercé par ses mouvements. L'enfant pleure rarement.
Cette constante de plaisir serait un élément de développement des attitudes altruistes et de la maîtrise de la communication par le toucher, caractéristiques communes à cette population.
A contrario, dans un pays comme les Etats-Unis, les contacts maman et bébé sont rarement peau à peau. Cette intimité de contact n'est pas la norme dans cette société, le contact se place plus comme une réponse à un besoin manifeste de l'enfant (manger, se laver ...). Cela institutionnalise dans la culture américaine une affection qui s'exprime très peu par le toucher. A. Montagu précise « toucher quelqu'un hors de ce contexte (sexuel) prête à des malentendus graves, dans la mesure où le toucher est en partie associé, voire réduit, à la sexualité ».
Connaître la place du toucher dans une société permet de comprendre les liens tissés entre les individus et comment le groupe fonctionne. Cela explique quelquefois les inimitiés qui existent entre des peuples. C'est une notion essentielle à intégrer pour celui qui souhaite partager la culture de l'autre.
J'en ai fait l'expérience avec Valérie. De nationalité anglaise, sa difficulté dans sa relation au toucher est typique de la mentalité anglo-saxonne que décrit A.Montagu. Je reviendrai sur le cas de Valérie ultérieurement et en annexe.
3. Le "toucher qui touche"
Au sens littéral, tout ce que l'on touche nous touche, c'est à dire nous transmet des informations, comme nous en envoyons à l'objet touché. Si je pose ma main sur le tilleul de mon jardin, il me donne en retour de multiples sensations : froid ou chaud selon l'ensoleillement de l'après-midi, une surface est rugueuse, dense et irrégulière. Cette communication tactile fonctionne dans les deux sens, comme la poignée de main entre deux individus, moment d'échange et de perception de l'autre.
Dans son ouvrage, Ce que les maux de ventre disent de notre passé, Ghislain Devroede explique au travers des études de cas de patients que le sens profond du terme toucher signifie que la personne a été "rejointe émotivement". Phénomène psychosomatique, une émotion comporte nécessairement une composante psychique et une autre corporelle. Le toucher, stimulant le corps, permet le réveil corporel et, indirectement, l'éveil psychique.
On trouve d'ailleurs de nombreuses expressions dans notre langage, en rĂ©fĂ©rence au toucher et Ă la peau : ″caresser dans le sens du poil″ …. ″avoir la main heureuse″... ″toucher juste″… ″faire peau neuve″... toutes relient ces Ă©lĂ©ments Ă l 'Ă©motionnel.
D'après Ghislain Devroede, «Toucher et être touché sont des besoins fondamentaux. Ils sont nécessaires pour prendre contact avec le milieu qui nous entoure, pour délimiter notre individualité et encore plus pour parvenir à une connaissance et une acceptation de notre entité dans ses dimensions intellectuelle, corporelle, sexuelle et spirituelle. Des gestes aussi simples qu'être bercé, embrassé, exploré par la palpation, le contact physique en lui même, sont essentiels pour parvenir à ces fins. » Il rappelle toutefois qu'il est indispensable de faire la distinction et placer sur deux axes différents le toucher affectif et la relation sexuelle.
Ce "toucher qui touche", je l'expérimente au quotidien dans ma vie personnelle et dans mon Shiatsu, c'est pour moi une donnée essentielle.
Le premier Shiatsu que j'ai reçu en atelier, au tout début de ma formation, a été un choc émotionnel très fort. Je me suis retrouvée à pleurer à chaudes larmes… Et plusieurs camarades de formation ont vécu la même expérience.
Je comprends Cécilia quand elle dit ne pas souhaiter recevoir de Shiatsu d'une personne qu'elle connaît, par crainte que l'on puisse "lire en elle".
Je ne suis pas psychologue et je suis d'ailleurs très attentive à guider les personnes que je reçois vers d'autres types de thérapie quand le Shiatsu a mis à découvert des émotions qui demandent à être prises en charge,
Retrouvez la suite de ce mémoire réalisé à l'école de shiatsu de Rennes